Je me sens prise dans un grand filet. Un filet invisible. Un filet qui nous entoure tous et nous empêche de penser librement. On ne le voit pas, mais son ombre obscurcit nos esprits. Cette nasse c’est le sexisme, le sexisme ordinaire.
Hommes comme femmes, on grandit tous avec des stéréotypes. Ils nous sont inoculés par l’expérience que nous faisons jeunes de la vie en société. Une fois intégrés ces stéréotypes créent des comportements individuels biaisés même chez celles et ceux qui pensent ne pas être sexistes. Ensuite généralisés, ces comportements individuels génèrent un système sociétal inégalitaire qui nous concerne tous.
Puisque le filet est invisible, je vous propose de le faire apparaître en utilisant nos réflexes anti-racistes au travers des illustrations qui suivent : remplaçons le mot « femmes » ou « filles » par « noirs » et voyons si nous trouvons le propos raciste ou non. C’est une comparaison imparfaite, mais elle a le mérite de rendre percutantes certaines situations.
C’est, je trouve, un outil puissant pour faire prendre conscience de la portée des propos sexistes : de nombreuses personnes minimisent l’impact psychologique de ces paroles, disent que celles et ceux qui s’en indignent en font trop. En transposant le racisme sur des situations sexistes, on comprend davantage la violence de certaines paroles.
C’est bientôt le 8 mars, la journée des droits des femmes. A tous ceux qui sont en situation de le faire, montrez du doigt le filet, pour le déchirer tous ensemble.
Il nous faut combattre les stéréotypes à tous les âges mais notamment leur mise en place dans l’enfance pour que les jeunes femmes acquièrent les compétences qui leur font sinon défaut plus tard et donnent l’impression que le stéréotype est vrai.
On se dit souvent, qu’aujourd’hui on ne fait plus de différence, que l’enfant exprime librement ses centres d’intérèts, que la petite fille choisit sans contrainte de jouer avec un poupon.
Mais j’ai lu que le sentiment d’appartenance à un genre se met en place entre 18 et 24 mois de vie*. C’est à cet âge que les toutes petites filles voient partout des femmes s’occuper d’enfants (crèche, nounous, mères, etc.) et être dans le soin et la douceur. Si dès 2 ans, elles jouent à la poupée, ce n’est pas toujours par penchant naturel, c’est sans doute souvent par imitation d’un modèle. Un modèle de société genrée, prise dans un filet.
L’important c’est d’avoir le choix. Tant que nous serons dans l’ombre du filet, nous n’aurons pas cette liberté-là. Pour déchirer le filet, il faut d’abord le voir. Je vous invite à allumer votre détecteur à stéréotypes, et pour cela, si vous le souhaitez, utilisez la transposition avec le racisme, remplacez « femmes » par « noir » dans les phrases et les contextes où le doute plane : s’il y a racisme, il y a sexisme.
A bientôt.
Lucile
*Yoan Mieyaa, Véronique Rouyer and Alexis Le Blanc, « La socialisation de genre et l’émergence des inégalités à l’école maternelle : le rôle de l’identité sexuée dans l’expérience scolaire des filles et des garçons », L’orientation scolaire et professionnelle [Online], 41/1 | 2012, Online since 07 March 2015. URL: http://journals.openedition.org/osp/3680
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